Kethevane Gorjestani

Multimedia Producer and Reporter

La Jeunesse Géorgienne, Reine du Système D

28 mai 2008

Racket, vols, escroqueries, emprunts, paris, trafics en tous genres, la jeunesse géorgienne baigne dans l’illégalité. En Géorgie, le taux de chômage reste élevé avec près de 40% de la population sous le seuil de pauvreté. Pourtant les jeunes de la capitale s’affichent au volant de belles voitures. Ils possèdent des portables dernier cri, et sortent dans les lieux branchés. En majorité, ces jeunes n’ont ni travail, ni famille aisée pour payer tous ces signes extérieurs de richesse. Ils redoublent d’imagination lorsqu’il s’agit de trouver de l’argent.

« On fait quoi ce soir ? On va à Charden ? » Ce sont les deux questions incontournables de la jeunesse géorgienne à la tombée de la nuit. Charden, c’est le quartier le plus branché de la capitale, trois petites rues piétonnes, où se suivent presque exclusivement bars et restaurants. Dès que le temps le permet, les terrasses sont prises d’assaut. Mais le must, avant de faire son choix, c’est d’arpenter chacune des trois rues pour trouver une place, mais aussi et surtout pour montrer qu’on est là. Ce rituel prend une bonne demi-heure puisque qu’il faut saluer tous les gens que l’on connaît, à savoir au moins un groupe par bar. Sur les tables, il y a souvent une bouteille de vodka, à manger, un paquet de cigarettes et bien sûr le téléphone portable de chacun.

« T’as un nouveau téléphone ? », demande Nino, une grande brune de 26 ans, étudiante en italien, en prenant le portable de son amie. « Oui c’est le dernier LG à écran tactile, tu sais celui qui ressemble à l’IPhone », répond Keti, une petite brune aux yeux bleus cachés derrière des lunettes de soleil siglées Chanel. Ici c’est la foire aux marques, des boucles de ceintures Dolce Gabbana aux sacs Louis Vuitton, même si ce sont des copies. Après une soirée bien arrosée, dans un des bars branchés, il est temps de rentrer. Pour cela, il faut d’abord réussir à sortir sa voiture du semblant de parking où s’entassent grosses 4X4 de luxe et berlines allemandes. On est en pleine semaine, il est 3h du matin. Ce n’est pas un problème car une bonne partie des jeunes présents n’iront pas travailler demain.

La plupart de ces jeunes ne viennent pourtant pas de familles aisées mais plutôt de la classe moyenne. Souvent un seul parent travaille et rapporte juste de quoi nourrir et faire survivre sa famille. Le salaire moyen reste très bas et seul 5% de la population gagne, officiellement, le minimum vital pour faire vivre une famille de 4 personnes. Le taux de chômage est également très élevé, surtout chez les jeunes. (voir encadré)

Comme le dit Sandro Tskitichvili, « Même sans argent on arrive à s’amuser autant que les riches ». Sandro a 22 ans, vêtu de noir, barbe de trois jours et cigarettes au coin des lèvres. Il y a quelques mois encore, il travaillait pour Castel, le producteur français de bières et de boissons gazeuses. Il gagnait « un bon salaire », avec environ 800 lari (environ 350 euros) par mois. Il assure que son style de vie n’a pas vraiment changé. Mais comment ? Par quel miracle ces jeunes s’en sortent-ils ?

« La magouille », tout un art

« On trouve toujours », dit-il avec un sourire entendu, en détournant le regard. « La magouille », c’est le maître mot. Pour trouver de l’argent rapidement, il faut très souvent tomber dans l’illégalité. Pour des petites sommes, les jeunes « magouillent dans la rue », c’est-à-dire du racket et du vol. « Il arrive qu’ils prennent 200 lari à un type dans la rue en lui mettant un peu la pression ou alors qu’ils volent des téléphones », explique Sandro. Un Nokia récent peut se revendre 400 lari au marché noir.

Il existe aussi la technique de la « prise en otage ». Des jeunes volent une voiture qui coûte dans les $10 000, mais ils ne la revendent pas, ils ne la désossent pas pour revendre les pièces détachées. « Ils te la gardent au chaud dans un garage sans l’abîmer et demandent $2000 pour te la rendre sans accro », explique-t-il.

Le trafic de drogue est très répandu dans la capitale géorgienne, le plus souvent c’est de l’héroïne. Mais depuis quelques années c’est le Subutex, un substitut à cette drogue, qui rapporte le plus. Elle est importée d’Europe, où une boîte de 7 pilules coûte moins de 20€. « Ici tu peux revendre facilement ½ dose pour 160 lari (70€) », dit Sandro. Ce sont essentiellement les drogués qui font ce trafic.

Quand il s’agit de s’acheter une belle voiture, les jeunes géorgiens redoublent d’imagination. Il suffit d’un crédit de la banque. Mais comment emprunter quand on n’a pas de revenu fixe ? « Ici, ce n’est pas un problème, tout le monde connaît quelqu’un qui travaille et qui peut lui faire une attestation prouvant qu’il a un boulot stable et un salaire », explique Tatia Kachia, 23 ans. Le problème c’est qu’il faut ensuite rembourser, alors souvent c’est la banque qui achète la voiture. La voiture appartient à celle-ci, mais l’acheteur peut rouler avec jusqu’au moment où il ne paye plus ses mensualités. Pendant quelques mois, il aura pu se montrer au volant d’une belle voiture.

Avec la hausse du taux de chômage et la chute brutale du niveau de vie, le marché noir s’est développé. Tout peut s’acheter et se troquer illégalement. Une très large partie de l’économie géorgienne est ainsi basée sur des circuits parallèles loin de tout contrôle. La majorité de la population survit grâce à ce secteur informel. Mais tout le monde ne s’amuse pas de cette situation. Tatia vient d’avoir un bébé et son mari, Vakho, travaille dans une petite entreprise et gagne bien sa vie. « Tout le monde se plaint que la vie est dure, qu’ils n’ont rien, pas de travail, pas d’argent, mais quand on regarde dans la rue les Hummer, les Mercedes, …on se croirait à Hollywood ! C’est ça la réalité hallucinante de notre pays », dit-elle.

« Ici, c’est l’apparence qui compte »

Tous les jeunes ne tombent pas forcément dans l’illégalité. « Beaucoup de mes amis revendent des bijoux de famille, des vieux meubles ou bien donnent leur télé ou leur téléphone à des prêteurs sur gage », dit Tatia. Elle ajoute que certains vont même jusqu’à hypothéquer leur appartement pour s’acheter une voiture. « Ici c’est l’apparence qui compte. Il faut avoir le dernier téléphone, une belle bagnole, pouvoir payer une sortie dans un bar branché…Peu importe qu’ils n’aient pas de quoi s’acheter à manger, payer l’électricité ou même mettre de l’essence dans leur super bagnole ! » dit-elle excédée.

Tout ce système est facilité par la culture locale. En effet, une majorité de familles géorgiennes possèdent un appartement ou une maison depuis la chute de l’URSS. Les jeunes restent très longtemps chez leurs parents, même lorsqu’ils se marient, évitant ainsi de devoir payer un loyer. Sandro vit toujours chez ses parents, tout comme sa grande sœur Tika, 25 ans, pourtant mariée et mère d’une petite fille. L’enfant est roi, et les parents se mettent en quatre pour donner de l’argent à leurs enfants. Dans la famille Tskitichvili, c’est le père Othar qui travaille, et son salaire d’environ 1000 lari (440€) fait vivre les 6 membres de la famille. Tout l’argent que les enfants réussissent à trouver, ils le dépensent exclusivement sur des signes extérieurs de richesse.

L’entraide se retrouve aussi au sein des groupes d’amis. Ceux qui ont de l’argent à un moment donné prêtent toujours à leurs amis, sans exiger de remboursement. Ce système repose sur le fait que dans un groupe il y en aura toujours un qui aura de l’argent. Il peut l’avoir gagné au Totalizator, un système de paris sportifs auquel recours une bonne moitié de la jeunesse de Tbilissi ou reçu d’un proche, parti travailler à l’étranger. Le prêteur se trouvera un jour dans la situation de l’emprunteur et sera sûr de récupérer son argent. Lorsqu’il s’agit de sortir, c’est la même chose. « Bien sûr les filles ne payent jamais. On partage la note sauf si l’un de nous à de l’argent. Dans ce cas, c’est lui qui régale », explique Sandro.

Légaux ou illégaux, tous les moyens sont donc bons pour rester « show off ». Les jeunes géorgiens se préoccupent plus de la frime que de trouver du travail. Et les autorités semblent s’en désintéresser, pour l’instant.

Les chiffres clés de la Géorgie:

Taux de croissance (2005) : 9,3%

Inflation (2006) : 8,6%

Population (estimation de 2008) : 4.630.841

Population active (est.2007) : 2 millions

Taux de chômage en 2005 : 13,8%

Taux de chômage des 15-24 ans en 2005 : 28,3%

Salaire moyen en 2005 : 112 lari (environ 50€)

Nombre de téléphones portables en circulation en 2007 : 2,4 millions

Taux de change : 1 GEL = 0,440701€ ; 1 € = 2,26911 GEL

7 Responses to “La Jeunesse Géorgienne, Reine du Système D”

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